C'est avec précaution qu'on aborde pareille demeure, presque sur la pointe des pieds. Comme si la discrétion pouvait en sauvegarder le charme simple. Comme pour s'assurer qu'on ne risquera pas d'en éventer le parfum toujours présent des années qui y ont été vécues.
Nous voici dans une chambre où les meubles et les objets n'ont pas été assemblés par le dessein d'un décorateur : On a aimé, oublié, relégué, puis redécouvert telle ou telle chose, mais aussi comblé ou caché tel ou tel défaut : on a conçu le ciel de lit avec goût, sans penser forcément au style de la commode, ou du miroir, à la correspondance historique stricte, mais avec la tendresse de la grand' tante ou de la vieille cousine qui se prépare à recevoir un neveu ou un arrière petit cousin, et qui veut assembler tout ce qu'elle a de plus joli pour le confire en attentions, le retenir un peu plus longtemps dans les douceurs que la modernité ne connaît plus;
Aussi ce château est-il habité, vivant, d'une vie si tranquille, si légèrement à l'écart de celle des hôtes de passage, qu'on s'y sent reçu comme un vieil ami un peu lointain dont on n'a pas besoin de se soucier outre mesure.
Ici le temps passé se retrouve, non pas temps historique et révolu, ou mémoire défraîchie ou poussiéreuse, dispensatrice de nostalgie, mais sensible sans effort comme exposé par une sédimentation régulière puis entremêlée, qui offre en un seul regard au bout des siècles tous les âges en un ensemble harmonieux